Picasso et Kate Moss ...
Y-a-t-il des signes distinctifs qui permettraient de dire que nous entrons, ou sommes déjà, en décadence ? Mais, qu’est-ce donc que la décadence ? La décadence c’est l’achèvement d’un cycle et le commencement d’un autre. C’est la raison pour laquelle Raymond Abellio considérait que la décadence n’avait rien de dramatique mais constituait une étape nécessaire. Oswald Spengler, dans Le déclin de l’Occident considère lui aussi qu’il y a des époques de haute culture – créatrices de valeurs – et de basse culture –épuisement de ces valeurs. On lira aussi avec beaucoup d’intérêt aussi l’ouvrage de Julien Freund, La fin de la Renaissance, où il soutient la thèse que nous avons épuisé tout l’héritage intellectuel de la Renaissance et que nous entrons désormais dans un ailleurs indéfini.
Certes, nous appréhendons cette décadence parce que nous sommes nés après la guerre de 39-45 et que nous avons connu une France qui était encore celle des clochers, des Gaulois et des congrès radsoc. De Gaulle, c’est encore la France de nos pères. 1968 est moins une galéjade qu’il n’y paraît pour la bonne raison que la lente dégradation de notre système scolaire va aller en s’accélérant pour aboutir au non-sens actuel. C’est aussi et surtout la percée massive de l’égalitarisme à l’école et de toutes ces idées sirupeuses qui déboucheront sur le totalitarisme des droit de l’homme. Mais, de telles idées ne sont pas décadentes en soi, c’est la faillite d’un système qui constitue bel et bien la décadence d’un ensemble de valeurs qui reposait sur le travail, l’effort, l’honnêteté, le civisme,etc. La civilité, la société de mœurs dont parle Elias, voici la marque même de ce qui constitue à nos yeux une civilisation. On remarquera au passage que cette société qui va grosso modo de la Renaissance à 1914, se caractérise par un grand espace de libertés civiles.
Aujourd’hui, il semblerait bien que nous entrions dans la caricature inverse. L’école est au mieux un lieu de passage quand ce n’est pas une garderie et, dans ce cas précis, il est tout à fait logique que les enfants de la bourgeoisie s’en sortent beaucoup mieux puisqu’ils vivent dans un milieu où la contrainte éducative est la plus forte. Hors la bourgeoisie, l’Etat permet une sorte de n’o man’s land scolaire où se côtoient, à la périphérie des villes, les ethnies les plus diverses et les langues qui vont avec, ce à quoi s’ajoute la pression islamiste totalement contraire à l’esprit républicain. Mais l’Etat s’en fout.
Au même titre, l’Etat se fout complètement de l’université puisque tous les critères de sélection ont disparu et les premières années de fac sont des dépotoirs à bacheliers en déshérences. Conclusion : pas de contrainte, peu d’attrait, l’école est un passage obligatoire que les adolescents rêvent de quitter rapidement.
Aussi, les jeunes générations, livrées à elles-mêmes vu l’absence de modèle, vont au plus simple : la musique, le cinéma, la télévision, bref l’abrutissement assuré de mômes (et de parents) dont les seuls survivants sont ceux dont les familles ont assuré une réelle éducation.
Le problème est que cette décadence généralisée a gagné les pseudo élites qui sont aux manettes de ce que l’on appelle pompeusement la culture et dont Jack Lang fut l’incontestable archétype. Les années Mitterrand ne sont pas des années « culture » mais des années de démagogie culturelle où à travers les Frac notamment (front régional d’art contemporain) on a vu s’épanouir ce que l’on appelle l’art contemporain et dont un imbécile comme Aillagon est le parfait représentant (chipotons pas, cela a commencé bien avant avec un mec comme Marcel Duchamp par exemple).
Aujourd’hui, il n’y a plus de curseur qui permette de distinguer ce qui relève de l’art en particulier et de la fumisterie en général. Si, une seule chose, quand perdure la tradition à la Savonnerie de Sèvres par exemple, aux Gobelins et dans ces lieux où le savoir ancestral trouve à s’exprimer. Mais là nous sommes dans l’excellence de l’artisanat d’art, ce qui est un autre sujet. Non, ce dont je parle, c’est tout ce qui est à la portée d’un présentateur de télévision, genre Guillaume Durand, qui va s’extasier devant Jeff Koons et autres zozos de la même eau.
Les tenants de cette modernité-là ont la vie dure, et ils sont en train de nous imposer une exposition Picasso dans laquelle ce dernier a revisité quelques grands classiques de la peinture européenne. Tout cela pour nous faire avaler l’idée que Picasso est un peintre, lui aussi classique et de l’envergure d’un Greco, d’un Poussin, d’un Vélasquez, j’en passe et des meilleurs. Cette exposition est une pure arnaque et si on la visite, c’est bien pour voir quelques œuvres de peintres authentiques mais appartenant désormais à un autre monde. Picasso est un excellent dessinateur, nous le savons et ses périodes bleue et rose le prouvent, mais dès 1920, il va se livrer à un jeu de massacre fort juteux financièrement et faire s’extasier les galéristes qui dans le même temps étaient à la recherche de nouveaux horizons picturaux et financiers. La peinture dite moderne, initiée, entre autres, par Picasso allait leur fournir le prétexte dont ils avaient besoin. Reste qu’en marge, dans le bruit et la fureur, un Nicolas de Staël bâtissait son œuvre comme le fera un Francis Bacon. Mais eux, dans la tradition. Cette exposition Picasso, si elle présente un intérêt, c’est bien de nous faire la démonstration de ce qu’est l’art et le non art ou plutôt ce qu’est l’art d’un côté et la puissance de l’argent de l’autre.
Et d’ailleurs à ce sujet, hautement symbolique, on peut également citer le cas de la statue en or massif (50 kg) représentant un mannequin anglais – Kate Moss, icône de cette modernité faite de sexe, drogue and rock’n’roll – représentée dans une position de yoga qu’elle n’a d’ailleurs jamais effectué et œuvre d’un sculpteur inconnu dénommé Marc Quinn. Picasso, Kate Moss, Quin and Co, même combat.
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