Interrogations sur le montant des contrats avec la Libye
LE MONDE | 14.12.07 | 11h19 • Mis à jour le 15.12.07 | 14h08
Un haut fonctionnaire familier des négociations avec la Libye n'en revient toujours pas : "Je ne sais vraiment pas comment l'Elysée a pu parvenir à ce chiffre de 10 milliardsd'euros !", commente-t-il. L'étude des différents dossiers montre en effet que les négociations sont sur bien des points à peine engagées.
Défense. "Rien n'est signé!" Ce résumé d'un haut fonctionnaire vise l'ensemble des perspectives de contrats d'armement, la Libye s'étant simplement engagée à entrer dans une "négociation exclusive" à ce sujet avec la France.
Charles Edelstenne, PDG de Dassault Aviation, a indiqué, jeudi 13 décembre, qu'un "mémorandum" a été signé entre les deux gouvernements, prévoyant l'ouverture d'une négociation pour l'achat de 14 avions de combat Rafale, laquelle doit aboutir avant le 1er juillet 2008. Le prix est très incertain, puisqu'il dépend des matériels accompagnant l'avion. Il est, en outre, envisagé de remettre en état 17 Mirage F1 libyens. Douze autres ont déjà fait l'objet d'une "grande visite", pour un coût d'environ 120 millions d'euros.
Chez Eurocopter, on indique qu'une négociation commerciale n'est pas engagée, mais les discussions portent sur l'achat de 10 hélicoptères d'attaque Tigre, 15 appareils de transport EC-725 Cougar, et 10 hélicoptères légers Fennec.
La même incertitude sur les prix règne à propos de l'achat de 6 vedettes rapides et 4 patrouilleurs. La Libye souhaite également acheter des véhicules de combat blindés VBL, Sagaie et VAB, ainsi que des véhicules tactiques légers Sherpa et VLRA.
Aéronautique. L'achat des 21 Airbus, annoncé lundi 11 décembre, est la confirmation de deux protocoles d'accord signés six mois auparavant au Salon du Bourget. Le 20 juin, la compagnie Libyan Airlines s'est engagée pour 15 appareils (A320, A330 et A350XWB), et Afriqiyah pour six A350 XWB. Le montant global de ces commandes, d'après les prix catalogue, est de 3,2 milliards de dollars, soit 2,19 milliards d'euros.
Nucléaire. Le groupe nucléaire Areva n'a conclu que trois contrats pour un montant total de 300 millions d'euros. Ils prévoient la vente, par sa filiale Areva T & D (transmission et distribution), d'équipements destinés à améliorer le réseau électrique libyen. L'accord de coopération paraphé durant la visite du colonel Kadhafi, lui, ne porte pas sur des contrats financiers dans l'immédiat.
"Sur le dossier nucléaire, on est dans le temps des politiques. Le temps des industriels viendra après", explique un porte-parole du groupe. La vente d'un réacteur nucléaire, a fortiori d'un EPR de troisième génération (3 milliards d'euros), n'est pas pour demain, d'autant que l'intérêt, pour la Libye, d'avoir une centrale aussi puissante (1600 mégawatts), n'est pas avéré.
"Il faudra attendre dix à quinze ans avant que la Libye ne soit prête pour la construction d'un réacteur nucléaire", affirmait récemment un officiel libyen de haut rang. Il n'entrerait pas en service avant 2020-2025.
En mars 2006, un accord avait été signé entre la Libye et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) portant sur la dessalinisation de l'eau de mer utilisant l'énergie d'une centrale nucléaire (avec une expérimentation couplant une unité expérimentale au réacteur de recherche russe de Tajoura), ainsi que sur la production de radio-isotopes (médecine, industrie…).
En mai 2007, une équipe d'Areva NP (chaudières nucléaires) s'est rendue à Tripoli pour y présenter l'EPR. Certains, chez Areva, jugent que Tripoli va trop vite en besogne. Après les accords avec les instances internationales (Euratom, AIEA), la Libye devra en effet se doter d'une législation et d'une autorité de sûreté nucléaire, puis d'ingénieurs.
Areva a des "plans d'actions stratégiques" pour les Etats-Unis, la Chine, la Grande-Bretagne et l'Afrique du Sud, mais pas pour la Libye. Au sein du groupe, certains jugent même que la vente de réacteurs aux Libyens détériorerait l'image d'Areva.
Bâtiments et travaux publics. Vinci dément avoir signé un contrat avec la Libye. Des négociations non finalisées sont en cours pour la construction du terminal VIP et d'une piste de l'aéroport de Tripoli. Quant aux deux stations de pompage d'eau pour l'irrigation, dans le cadre de l'opération baptisée "Grande rivière", leur construction (pour un contrat conclu en 2002 pour 220 millions d'euros) est quasiment achevée.
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source http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3212,36-989674,0.html