"Comment va-t-il exister ?", "Je n'aimerais pas être à sa place", "Supprimons le poste de Premier ministre, ça sera plus clair"... Il y a encore quelques jours, les députés de la majorité s'interrogeaient sur la surface politique de François Fillon face à "Super-Sarko", comme le titre Le Point cette semaine. Aujourd'hui, le chef du gouvernement existe bel et bien et suscite tous les commentaires. Il lui a suffi d'une phrase prononcée mardi soir sur France 3 pour agiter politiques, syndicats et commentateurs. L'évocation d'un service minimum pour les profs au moment où le projet de loi en débat au Sénat ne concerne pour l'instant que les transports a fait bondir un corps enseignant déjà préoccupé par les annonces de suppressions de postes l'an prochain.
Gaffe ? A ce niveau de responsabilités, on connaît le poids des mots. Moyen d'exister politiquement ? Peut-être, diront certains. Mais plus probablement, le nouveau visage de François Fillon qui a troqué son image de réformateur consensuel pour celle d'un Premier ministre au service de la rupture. L'homme qui a travaillé depuis deux ans à l'élaboration du programme de Nicolas Sarkozy entend l'appliquer pleinement pour "changer les choses en profondeur", il l'a clairement rappelé dans sa déclaration de politique générale.
'Pas de projet en cours"
Or qu'a-t-il dit d'extraordinaire mardi soir ? Sur le fond, rien puisque le candidat puis président élu Nicolas Sarkozy avait lui-même évoqué la question de l'accueil des enfants à l'école en cas de grève pendant sa campagne. Cet accueil n'est pas obligatoire dans le primaire. D'ailleurs, son porte-parole David Martinon a estimé jeudi matin qu'une "réflexion était possible" sur cette question. Mais il s'est surtout empressé de rappeler qu' "il n'y avait pas de projet" en cours. Au lendemain des propos de François Fillon, son porte-parole Laurent Wauquiez avait du également repréciser les choses, tout comme le ministre de l'Education nationale qui n'entend pas se mettre à dos les syndicats avant la discussion de son budget à la rentrée.
Largement soutenu par l'opinion, le service minimum dans le secteur public doit-il se limiter aux transports ? Doit-il être interdit de l'évoquer dans l'Education sous prétexte qu'un 1,5 million de fonctionnaires sont concernés et que toute réforme dans l'enseignement est une grenade dégoupillée ? Le débat mérite sûrement d'être poussé jusqu'au bout en posant les bonnes questions, notamment l'utilité ou la faisabilité du projet.
Une pente risquée
Mais le tempo est-il le bon ? Pas sûr. Avant même le vote par le Sénat et l'Assemblée du texte sur les transports, pourquoi déjà se projeter dans un autre secteur, l'école, qui va être touchée dès la rentrée par la question du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux à la retraite ? Cela semble ajouter des ingrédients à une rentrée sociale chaude.
Quant à la méthode, est-elle la bonne ? Pas certain non plus. Sur une promesse chère au président de la République, l'impression de confusion s'installe. Et si le débat est légitime, il appartient généralement au chef du gouvernement d'arbitrer et dé définir la ligne, pas de semer le trouble dans les esprits. Il pourrait lui en coûter son autorité sur ses ministres et sa crédibilité dans l'opinion. A moins qu'un mystérieux partage des rôles s'instaure au sein du couple exécutif. Au Premier ministre l'application à la lettre du programme de rupture, au président le soin de jouer ensuite "les gentils" pour conserver dans l'opinion une confiance indispensable à la réforme. Son habilité à apaiser les syndicats étudiants pour faire passer l'autonomie des universités, quitte à raboter le projet de la ministre, fera-t-elle jurisprudence ? Il est trop tôt pour le dire.
"Vu qu'il n'y a plus d'opposition, tu veux aussi en être le chef ?", plaisantait ainsi récemment un interlocuteur de Nicolas Sarkozy. Si elle se confirme, cette pente n'est pas sans risques. Les ministres auront tendance à durcir leur texte et attendre la magie du verbe présidentiel pour régler d'inévitables conflits. A quel maillon se situera alors le Premier ministre dans la chaîne de décision ? Poser la question alors que certaines voix, même isolées, se prononcent pour la suppression de cette fonction n'est pas bon signe.
http://tf1.lci.fr/infos/france/politique/0,,3496648,00-fillon-voulu-faire-maximum-.html